Le destin croisé des deux Orient-Express !
lundi 28 novembre 2022 | Train de luxe | Venice Simplon
Mais combien y a-t-il d'Orient-Express ? Et quel est le vrai ? Découvrez la saga croisée de deux trains de luxe qui peuvent se prétendre héritiers légitimes du véritable Orient-Express.
Vous n'avez pas pu y couper : l'Orient-Express est de retour. Ou plutôt, LES Orient-Express. Plusieurs projets menés par des acteurs du luxe et du ferroviaire revendiquent aujourd'hui fièrement leur filiation avec le train mythique Orient-Express. Alors, quel est le véritable ? Le Venice-Simplon-Orient-Express de Belmond ? Le futur Orient-Express de chez Accor ? Et bien les deux sont dans leur bon droit ! Pour comprendre le mystère de ces deux Orient-Express, il faut commencer par se tourner vers l'Histoire.
1883 : Naissance du mythe
Remontons donc un peu dans le temps. Dans les années 1860, le jeune ingénieur belge Georges Nagelmackers fait un voyage aux USA. Il découvre le confort luxueux des paquebots transatlantiques et la modernité encore spartiate des wagons-lits conçus par Georges Pullman et qui circulent déjà outre-Atlantique. Il décide de mixer les deux concepts et lancer sur le marché un train à la fois moderne et luxueux. C’est l’Orient-Express.
Le premier départ a lieu en octobre 1883 de la gare de l’Est à Paris. Direction : Constantinople l’orientale. Le succès est immédiat ! La foule se presse, les journaux ne tarissent pas d’éloges, l’enthousiasme est incroyable. Georges Nagelmackers devient une sorte d’Elon Musk de son époque. Décoré par les plus branchés des designers d’alors, l’Orient-Express s’impose au fil du temps comme le parangon du savoir-vivre et du glamour. On l’appelle le Roi des trains et le train des rois.
1930 : la grande famille de l’Orient Express
Fort de cette réussite, la Compagnie Internationale des Wagons-Lits créée par Nagelmackers décide de donner des petits frères au train initial. C’est ainsi que les itinéraires se multiplient et qu’une collection de trains de luxe quasi jumeaux se met à sillonner l’Europe. Dans la famille Orient-Express des années 1930 on trouve le Simplon-Orient-Express, l’Arlberg-Orient-Express, l’Ostende-Vienne-Orient-Express, le Berlin-Budapest-Orient-Express… etc. Le grand public pour sa part ne s’embarrasse pas de nuances et, frappé du syndrome des mousquetaires - un pour tous et tous pour un - ne retiendra qu’un seul nom devenu quasi-légendaire : l’ORIENT-EXPRESS.
Armoiries de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits et des Grands Express Européens © Million
Vie et mort des trains mythiques
Mais les années passent. Les conflits mondiaux puis la guerre froide apportent leur lot de difficultés. La circulation en Europe se complique. Le train Orient-Express est peut-être mythique, mais il est surtout lent. Parallèlement la voiture et l’avion se développent : des moyens de transport tellement modernes et sexys ! Le mythe devient ringard. En 1977, la CIWL jette l’éponge. Hercule Poirot et James Bond vont se rhabiller. Un dernier voyage en est organisé en mai et puis on ferme la boutique.
Enveloppe commemorative du dernier voyage de l'Orient-Express en 1977 © Numista
Et c’est là que notre histoire commence.
Deux hommes d’affaires à la rescousse
Parce qu’une si belle aventure ne peut pas avoir une fin si triste. C’est en tout cas ce que pensent deux hommes d’affaires très inspirés. D’un côté, le magnat américain James Sherwood. De l’autre le voyagiste suisse Albert Glatt. Chacun de son côté, ces deux entrepreneurs décident de racheter des voitures Orient-Express vendues aux enchères par leur propriétaire désabusé.
James Sherwood et le Venice-Simplon-Orient-Express
James Sherwood vit au Royaume-Uni. Il est propriétaire à Venise d’un magnifique hôtel 5*, le Cipriani. Son problème : les Britanniques habitués de la Côte d’Azur boudent son palace en Italie. Idée géniale de Sherwood : il rachète et rénove quelques wagons du train mythique Orient-Express pour acheminer gentlemen et ladies sur ses terres du sud. Et ça marche ! En 1982, le Venice-Simplon-Orient-Express est né ! Grisé par succès de celui qu’on appelle aujourd’hui presque familièrement « le VSOE », Sherwood rebaptise sont empire touristique qui devient la « Orient Express Hotels Ltd ».
>> Vivez le rêve de l'Orient-Express à bord du Venice-Simplon-Orient-Express
Une cabine suite du VSOE © Belmond
Albert Glatt et le Nostalgie-Express-Orient-Express
Albert Glatt lui aussi est fasciné par l’univers du train mythique Orient-Express, l'ex-prestigieux « hôtel sur roues » et par son épopée. Il rachète également aux enchères des voitures déclassées pour leur donner une seconde vie. Son superbe train ressuscité s’appelle le Nostalgie-Istanbul-Orient-Express et il promène entre Zurich et Istanbul des VIP suisses et européens convaincus que le chic rétro du train est éternel, n’en déplaise aux inconditionnels de la néo-modernité.
Albert Glatt © wagons-lits-diffusion
Mais alors que le Venice-Simplon-Orient-Express poursuit sa glorieuse route à travers les ans jusqu’à nos jours, arborant crânement son statut de rejeton légitime du prestigieux ancêtre, le Nostalgie-Istanbul se perd en chemin. Après son épisode suisse, on le retrouve au Japon, puis entre le mains du chanteur Mickael Jackson qui le privatise lors d’une tournée européenne et ensuite, plus rien. Le train disparaît.
Où est passé le Nostalgie-Istanbul ?
Où est donc passé le Nostalgie-Istanbul-Orient-Express à partir de 1993 ? Qui est son propriétaire ? On ne sait pas. Et on s’en fiche même un peu, parce que le train, c’est out. Pourtant, peu à peu, les mentalités changent. En premier lieu, c’est assez logique, à la SNCF. La compagnie ferroviaire française a officiellement hérité de la CIWL la marque « Orient-Express ». Jusqu’à la fin des années 2000, elle semble s’en soucier comme d’une guigne. Mais dix ans plus tard, les choses commencent à bouger.
En 2011, la SNCF rachète à son tour des voitures-lits originelles. En 2014, elle lance une grande exposition à Paris sur le parvis de l’Institut du Monde Arabe : « Il était une fois l’Orient-Express » pour présenter les illustres wagons. La même année, le groupe Orient-Express-Hôtels fondé par James Sherwood et qui ne dispose pas de la licence change de nom et opte pour la marque Belmond (à l’exception du Venice-Simplon-Orient-Express, qui reste sous licence OE). Le jeu s’éclaircit.
Catalogue de l'exposition « Il était une fois l'Orient-Express »
Coups de théâtre en série !
En 2016, coup de théâtre ! Arthur Mettetal, un jeune ingénieur thésard français retrouve le train Nostalgie-Istanbul avec l’aide de Google Maps. Le train mythique Orient-Express se meurt sur une voie de garage à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. On se rend à son chevet, on l’examine et, miracle, on le trouve en relativement bon état. On le rapatrie dans des ateliers clermontois pour lui redonner tout son lustre (il y a quand même du travail pour quelques années).
En 2017, nouveau coup de théâtre. Le groupe Accor rachète à la SNCF 50,1% de la marque Orient-Express. Qu’est-ce que le groupe hôtelier français vient faire dans cette aventure ? Sa motivation semble un peu la même que celles de James Sherwood, notre magnat américain des années 70 : profiter de l’aura de la marque Orient-Express pour créer sinon un empire, au moins une collection de fleurons de luxe. Accor relooke un peu la marque, lui donne un nouveau logo à la fois élégant et design selon les standards actuels, moins cursif, plus cut, mais très chic. Et en 2022, la société commence à ouvrir sous cette marque une série d’hôtels de luxe.
Le logo Orient-Express revisité
Accor se lance dans la course mythique !
Comme vous le savez déjà, le projet évidemment ne s’arrête pas là. Accor va bel et bien remettre sur rail... l’Orient-Express, en s’appuyant sur la base du Nostalgie-Istanbul retrouvé et rénové. Dans les faits donc, ce « nouveau » train de luxe promis pour 2025 - dont les voitures seront repensées par l’architecte Maxime d’Angeac - ne sera pas plus Orient-Express que le Venice-Simplon, et pas moins non plus. Son principal avantage reste qu’il a la licence pour lui et dispose donc du droit exclusif et jalousement gardé de s’appeler « Orient Express » tout court !
Le restaurant du futur « Orient-Express» de chez Accor
En attendant la troisième vie de la version Istanbul-Nostalgie de l’Orient-Express dans deux ans, Accor prevoit de nous présenter dès 2024 son autre bébé « O.E » : l’Orient-Express-Dolce-Vita, une déclinaison italienne et très « sixties » du concept. De son côté le VSOE annonce pour l’année prochaine le lancement de nouvelles suites over-luxueuses… En bref : la saga croisée des deux Orient-Express continue !
>> Découvrez notre circuit : en train régulier, sur les trace de l'Orient-Express