Train de luxe Paris Istanbul

Paris Istanbul en train : mythe et réalité

Lorsque l’on évoque les grands voyages en train, un itinéraire s’impose d’emblée dans l’imaginaire collectif : Paris – Istanbul. Derrière ces deux capitales, c’est tout le continent européen qui défile, avec ses frontières, ses cultures, ses contraires. Et au-delà du trajet, c’est une légende une légende qui se dessine, celle de l’Orient-Express et des trains de luxe qui ont marqué la Belle Époque puis l’histoire du XXe siècle.

Comment est né le mythe de l’Orient-Express ?

Le 4 octobre 1883, la Compagnie Internationale des Wagons-Lits lance le premier Orient-Express, reliant Paris à Constantinople (l’actuelle Istanbul). Pour la première fois, un train permet de voyager d’un bout à l’autre de l’Europe dans un confort inégalé. Cabines de luxe, wagons-restaurants raffinés, service impeccable : tout est pensé pour une clientèle cosmopolite faite d’aristocrates, de diplomates, d’industriels et d’artistes.
À l’époque, le voyage dure environ 80 heures et passe par Strasbourg, Munich, Vienne, Budapest, Bucarest avant d’atteindre les rives du Bosphore. Pour beaucoup, c’est une révolution : la modernité des chemins de fer s’associe à l’exotisme de l’Orient.

Pourquoi Istanbul symbolisait-elle l’Orient ?

Pourquoi parler d’« Orient » pour un train qui s’arrêtait à Istanbul ? En effet, ce n'est pas tout à fait un voyage en train en Asie, mais au XIXe siècle, pour un Parisien ou un Londonien, l’Orient commençait dès les Balkans ! Constantinople représentait alors l’extrémité orientale de l’Europe, la porte d’entrée vers l’Asie.
Capitale de l’Empire ottoman, carrefour des cultures chrétiennes et musulmanes, Istanbul nourrissait l’imaginaire orientaliste de la Belle Époque : mosquées aux coupoles élégantes, minarets, bazars animés et rives du Bosphore étaient l’incarnation d’un ailleurs merveilleux. Cette fascination était entretenue par les artistes : Jean-Auguste-Dominique Ingres, avec des toiles comme La Grande Odalisque ou Le Bain turc, symbolisait cet Orient fantasmé des harems, tandis que des peintres voyageurs comme Félix Ziem, avec ses lumineuses Vues de Constantinople, donnaient une vision plus concrète et pittoresque de la ville.
Le train de luxe Paris Istanbul entraînait ses passagers vers l’Orient, un ailleurs fait de mystère, d’exotisme et de rêves nourris par la littérature et la peinture de la Belle Époque

À quoi ressemblait un voyage Paris–Istanbul avant l’Orient-Express ?

Avant 1883, rejoindre Istanbul depuis Paris relevait de l’expédition. Il fallait enchaîner plusieurs réseaux nationaux – Paris, Munich, Vienne, Budapest, Bucarest – puis poursuivre en diligence ou en bateau à vapeur sur le Danube ou la mer Noire. Le voyage durait plus de dix jours, au prix de nombreux changements, de formalités aux frontières et d’un confort limité. Les passagers étaient surtout des diplomates, des commerçants ou des militaires en mission : voyager jusqu’en Turquie était alors une nécessité professionnelle ou stratégique.

L’arrivée de l’Orient-Express en 1883 change tout. Pour la première fois, un train direct et continu relie Paris à Constantinople, avec des wagons-lits chauffés, un wagon-restaurant raffiné et un personnel dédié. Surtout, le public évolue : ce qui était un périple fastidieux devient une expérience mondaine. Aristocrates, banquiers, écrivains ou princesses russes transforment ce train en un véritable salon roulant, reflet de la Belle Époque. Le trajet cesse d’être une épreuve réservée à quelques initiés pour devenir un symbole de luxe, de cosmopolitisme et de modernité.

Pourquoi l’Orient-Express est-il devenu une légende ?

Si l’Orient-Express est devenu une légende, c’est aussi grâce à la littérature et au cinéma. Le plus célèbre exemple reste « Le Crime de l’Orient-Express » (1934) d’Agatha Christie, adapté à de nombreuses reprises au cinéma. Mais bien d’autres écrivains, de Paul Morand à Graham Greene, ont été inspirés par ces voyages où les destins se croisent dans des cabines feutrées et des couloirs lambrissés.
Dans l’imaginaire collectif, le train de luxe Paris Istanbul cristallise le goût du mystère et du dépaysement : une aventure où l’on traverse l’Europe en s’endormant chaque soir dans une ville et en se réveillant dans une autre.

Comment les guerres ont-elles bouleversé la légende ?

Le mythe n’a pas résisté aux secousses du XXe siècle. Les deux guerres mondiales bouleversent les itinéraires et l’esprit du voyage. Pendant la Première Guerre mondiale, l’Orient-Express est suspendu, puis reprend en 1919 en empruntant le tunnel du Simplon entre la Suisse et l’Italie, donnant naissance au Simplon-Orient-Express (dont on retrouve aujourd'hui le nom dans le VSOE de la compagnie Belmond)
Pendant la Seconde Guerre mondiale, le trafic de ce train d'exception est très perturbé. Après 1945, il continue d’assurer une liaison prestigieuse, même si les frontières de la Guerre froide et le développement de l’avion réduisent peu à peu son aura. Mais le19 mai 1977, l’Orient-Express Paris Istanbul effectue son dernier voyage direct. Ce trajet mythique, qui pendant près d’un siècle avait incarné le luxe ferroviaire et le cosmopolitisme européen, s’efface alors devant l’essor de l’avion et la complexité des frontières de la Guerre froide. C'est la fin du train de luxe Paris Istanbul.

Existe-t-il encore un train de luxe Paris–Istanbul ?

Si l’Orient-Express « originel » a tiré sa révérence en 1977, son esprit n’a jamais disparu. Depuis les années 1980, des trains de luxe ont redonné vie à ce mythe ferroviaire. Le plus emblématique est le train de luxe Venice Simplon-Orient-Express (VSOE), qui a patiemment restauré les wagons Art déco des années 1920–1930 pour offrir à ses passagers une immersion totale dans l’âge d’or du rail.

De mars à novembre, le VSOE circule plusieurs fois par semaine sur ses itinéraires courts et emblématiques : le fameux Paris Venise, véritable signature du train, mais aussi Paris Florence, Paris Prague, Florence, Rome, Amsterdam ou Bruxelles, selon les saisons. Ces escapades raffinées offrent à nos voyageurs l’occasion de savourer l’atmosphère unique de ce train mythique, le temps d’une ou deux nuits.

Et puis vient l’événement attendu : une fois par an, le VSOE reprend vie dans son itinéraire historique le plus prestigieux : le train de luxe Paris – Istanbul est de retour sur les rails. Véritable célébration ferroviaire, ce voyage rare et somptueux de six jours entraîne ses passagers à travers l’Europe, avec des escales à Vienne, Budapest, Bucarest ou encore Varna, avant d’atteindre enfin les rives du Bosphore.

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