En train en Asie, avec Jean-Marc De Jaeger
jeudi 24 avril 2025 | voyage en train en Asie | Voyager en train
"En train en Asie" parait aujourd'hui. Son co-auteurJean-Marc De Jaeger a traversé la Thaïlande, le Cambodge, le Vietnam, le Laos, la Malaisie et Taïwan. Devinez sa destination préférée ?
Vous êtes coauteur du livre En train en Asie, qui sort aujourd'hui chez Gallimard. Parlez-nous de ce projet.
Jean-Marc De Jaeger : En train en Asie fait partie de la collection Voyages Gallimard, qui propose des ouvrages dédiés aux voyages en train à travers le monde. Cette collection inclut des titres comme En train au Japon, En train en Europe, et Trains de nuit, chacun explorant un continent ou une thématique spécifique autour du rail. Gallimard m'a sollicité pour participer à la réédaction de ce nouveau guide qui propose 22 itinéraires ferroviaires inédits. Avec mes collègues auteurs, Aimie Eliot, Lauriane Roger-Li, et Sébastien Falletti, nous avons combiné nos expériences et nos explorations pour créer un ouvrage qui invite à la fois au rêve et à la découverte, tout en fournissant des conseils utiles pour ceux qui souhaitent se lancer dans l’aventure.
Bamboo train © Discovery Trains
Vous avez réalisé un périple ferroviaire en Asie du Sud-Est (Thaïlande, Cambodge, Vietnam, Laos et Malaisie) suivi d’un grand tour de l’île de Taïwan. D'où est venue l’idée de traverser tous ces pays en train ?
Jean-Marc De Jaeger. L’Asie étant ma partie du monde favorite et le train mon mode de transport préféré, il m’a paru évident de parcourir ces pays par le rail. Après avoir relié la Thaïlande à Singapour début 2023, j’ai réalisé au printemps 2024 une boucle passant par la Thaïlande, le Cambodge, le Vietnam et le Laos. Ce dernier voyage était en fait un reportage pour Voyages Gallimard qui m’a sollicité pour écrire En train en Asie : 22 itinéraires sur les rails, paru le 24 avril et dont je suis l’auteur principal.
Quelle était la période de votre voyage ?
J'ai voyagé en avril, à une période où le mercure commence à remonter. J’ai échappé de peu à une canicule qui a sévi en Thaïlande quelques jours après mon retour. A la fin de mon voyage, quand j’étais à Vientiane, il faisait autour des 35°C mais avec un ressenti de 50°C ! Autant dire que j’ai attendu la nuit tombée pour visiter la capitale du Laos. Si j’étais parti en février ou mars, les températures auraient été plus supportables.
Pourquoi avoir choisi Bangkok comme point de départ et d'arrivée ?
La capitale thaïlandaise présente plusieurs avantages. D’abord, on peut s’y rendre sans escale depuis Paris, ce qui n’est pas le cas de Phnom Penh et Vientiane. De plus, Bangkok fait figure de « hub ferroviaire » en Asie du Sud-Est. De là, on peut accéder à trois pays frontaliers : le Laos au nord, le Cambodge à l’est, la Malaisie au sud. C’est très pratique pour la boucle que j’ai réalisée : je suis revenu à mon point de départ près de trois semaines après l’avoir quitté.
gare de Bangkok © Discovery Trains
L’itinéraire est-il réalisable à 100 % en train ?
Hélas non. Le premier train que j’ai pris depuis Bangkok s’arrête à la frontière cambodgienne. De là, j’ai dû prendre un bus pendant deux heures pour rejoindre Battambang, là où commence la ligne cambodgienne. Faute de train entre le Cambodge et le Vietnam, j’ai également pris un bus entre Phnom Penh et Hô Chi Minh Ville (6 heures). Une fois à Hanoï, j’ai dû faire une autre exception pour rejoindre le Laos : pour m’épargner les 24 heures de bus vers Louang Prabang, j’ai opté pour l’avion (1 heure de vol).
Pouvez-vous nous en dire plus sur les trains au Cambodge ?
Ce sont les plus anciens que j’ai empruntés en Asie. Le confort est spartiate : 3e classe seulement, sièges durs, pas de climatisation, un seul aller-retour quotidien… Et surtout, l’état des rails fait qu’on est secoués dans tous les sens pendant une bonne heure sur les six heures de trajet entre Battambang et Phnom Penh. Cette simplicité offre néanmoins une immersion authentique dans la vie locale et permet de contempler paisiblement les paysages de rizières.
Train Battambang Phnom Penh © Discovery Trains
Au Vietnam, à quoi ressemble la fameuse ligne « Réunification Express » ?
Elle relie la capitale Hanoï, au nord, à Hô Chi Minh (ou Saigon), au sud. La parcourir en entier 35 heures ! Ainsi, qui veut parcourir l’ensemble de la ligne d’une seule traite peut passer deux nuits à bord ! Pour ma part, je l'ai empruntée du sud au nord en m’arrêtant en milieu de ligne, à Danang. A bord du Réunification Express, les passagers ont le choix entre les voitures de la compagnie nationale (Vietnam Railways), préférées par les locaux, et celles des compagnies privées, plus chères et souvent choisies par les étrangers.
gare Danang © Discovery Trains
Lors de mon trajet sur la ligne, j'ai eu l'occasion de tester deux compagnies privées. Entre Hô Chi Minh Ville et Danang, il n’y avait qu’une seule compagnie : Violette Express. L’expérience a été décevante. Malgré les promesses d'un service VIP, les installations n’avaient rien de remarquable, si ce n’est que les compartiments comportaient 4 couchettes, contre 6 dans les autres. Les toilettes n'étaient pas bien entretenues, la climatisation était excessive et le contrôleur fumait lui-même à bord. Cela a été ma seule déception pendant tout le voyage.
L'expérience a été plus concluante lors de la deuxième partie du voyage. De Danang à Hanoï, j'avais le choix entre une demi douzaine de compagnies privées. J'ai choisi Lotus express et là, j'ai été comblé : un compartiment 4 couchettes également avec une décoration récemment rafraîchie et des employés aux petits soins qui aident à transporter les bagages. IIs ont même proposé des bains de pieds aux passagers. Les boissons sont gratuites et à volonté, un petit déjeuner léger est offert. C’est propre et un peu plus confortable qu’un train de nuit français. La plus belle surprise du voyage.
compartiment Lotus © Discovery Trains
Qu'en est-il du Laos ? Quelles ont été vos impressions sur les trajets en train dans ce pays ?
Les trains laotiens m’ont agréablement surpris. Et pour cause : ils sont ultra-modernes et tranchent avec l’infrastructure vieillissante des pays voisins. Inauguré en 2021, le LCR (Lao China Railway) a été construit par la Chine ; certains trains franchissent même la frontière au nord jusqu’à Kunming. Ils offrent une expérience agréable et n’ont rien à envier aux trains européens. Je lui donnerai toutefois deux défauts. D’abord, la vente des billets n’ouvre qu’entre 3 et 7 jours avant le départ et il faut un numéro de téléphone laotien pour utiliser l’application de réservation. Ensuite, les gares sont assez excentrées, parfois plus que les aéroports : selon la ville, il faut entre 15 et 30 minutes pour la rejoindre depuis le centre-ville.
gare au Laos © Discovery Trains
Lors de votre dernier voyage, vous avez fait le tour de Taïwan. Est-ce facile en train ?
Un jeu d’enfant ! La principale ligne fait un tour parfait de l’île sur un millier de kilomètres. Sur la côte ouest, elle est même doublée par un train à grande vitesse, le TSHR, identique au Shinkansen japonais. J’ai également emprunté la Forest Railway, un petit train diesel qui se hisse de Chiayi jusqu’aux montagnes d’Alishan, au centre de l’île. En plus d’être confortables et rapides, les trains taïwanais sont très économiques : faire un tour de l’île coûte entre 70 et 100 €. Je recommande de faire ce voyage en dix jours au moins, le temps de découvrir des villes comme Tainan et Kaohsiung ou encore le parc national de Taroko.
Les formalités sont-elles contraignantes ?
Pas vraiment. Les Français sont exemptés de visa en Thaïlande, au Vietnam, en Malaisie et à Taïwan. Pour le Cambodge et le Laos, le visa s’obtient en ligne ou directement au poste-frontière (dans ce cas, amener des dollars américains en liquide). Il y a un point à ne pas oublier quand on quitte le Laos par la voie terrestre : obtenir son tampon de sortie du territoire en gare de Vientiane-Khamsavath. Prévoyez un peu de monnaie (12.000 kips, soit 0,30 €) pour le douanier. Si vous oubliez et arrivez en Thaïlande sans ce tampon, vous pouvez être refoulé de la frontière !
Recommandez-vous de voyager en train en Asie ?
Absolument, à la fois au sein d’un pays et entre plusieurs pays. C'est une façon unique de les découvrir et de se déplacer comme les locaux, en évitant les tracas des déplacements aériens et routiers. J’incite particulièrement à emprunter les trains thaïlandais et vietnamiens, dont le côté vieillot apporte un charme fou. Dans quelques années, quand ces pays auront modernisé leur réseau, les trains seront probablement plus standardisés à la manière des TGV européens.